Bocage et biodiversité

Témoignages d'agriculteurs

Plusieurs agriculteurs ont accepté d’exprimer leur point de vue sur l’agriculture, le bocage et la biodiversité qui en découle, au travers de trois questions :

 

1/ Quelle place accordez vous à la qualité des éléments qui forgent l’identité paysagère des bocages (haies, prairies, mares…) et de la biodiversité associée dans votre exploitation agricole ?


2/ Comment voyez vous l’avenir de l’agriculture dans les paysages bocagers ?


3/ Quelles orientations doit prendre l’agriculture pour concilier activité économique et maintien de la biodiversité dans les paysages de bocage ?

 

 

Nom : Louis Marie Pasquier

Age : 55 ans

Type d'exploitation : Polyculture élevage bovin viande –gibier

Localité : La Petite Boissière (79)

Question 1 : Pour moi, les éléments qui façonnent le bocage dans lequel se trouve mon exploitation sont essentiels et cela à plusieurs titres. Tout d’abord d’un point de vue économique, je ne peux pas concevoir l’élevage de bovin de mon exploitation sans les prairies et les haies qui les bordent. On sait très bien que l’aliment le plus équilibré et le moins coûteux est l’herbe directement pâturée par les animaux. En ce qui concerne les haies, leurs rôles d’abri, de coupe vent pour les animaux sont primordiaux. Pour les cultures, en plus de la protection du vent (moins d’assèchement, moins de verse), les haies sont un réservoir indispensable aux auxiliaires des cultures. Les mares sont intéressantes pour l’abreuvement des animaux. D’un point de vue paysager, ces éléments font partie du patrimoine « bocage » avec toute la biodiversité qui en découle. Je suis très attaché à cette notion de terroir et de sa biodiversité. Aussi je consacre beaucoup de temps à leur entretien avec les précautions nécessaires pour préserver, voire améliorer leurs différents intérêts.

 

Question n°2 : L’avenir de l’agriculture par rapport aux paysages bocagers est surtout lié à l’économie même de l’agriculture. Si le soutien économique aux productions d’élevage aujourd’hui les plus en difficulté n’est pas suffisant, alors les exploitations polyculture-élevage disparaîtront au profit d’exploitations plus grandes avec une orientation plus céréalière. Ceci provoque presque toujours un réaménagement du foncier avec arrachage de haies, bouchage des mares, drainage et forcément beaucoup moins de prairies.

 

Question n°3 : L’orientation que doit prendre l’agriculture et surtout les agriculteurs, ne dépend pas que d’eux. Le rôle des différentes politiques agricoles (PAC) est prépondérant dans cette orientation. D’un point de vue économique, leurs effets n’ont pas été tellement favorables à l’élevage et à leurs milieux. Sans doute qu’aujourd’hui, la conditionnalité évite quelques effets pervers de l’agriculture actuelle, mais qui ne bloque en rien le processus d’orientation de productions plus céréalières, un peu contraire au maintien en l’état de nos bocages. Je pense que la mise en place des CTE (année 2000) était une très bonne chose même s’il aurait fallu les simplifier. Ce contrat était une vrai reconnaissance et valorisation du travail que doit fournir l’agriculteur pour que ce paysage bocager et sa biodiversité existe et persiste.

 

 

Nom : Hélène et Jean Claude Braconnier

Age : 48 et 55 ans

Type d'exploitation : élevage ovin et caprin

Localité : Soudan (79)

Question n°1 : Nous avons toujours apprécié les paysages bocagers et c’est ce qui nous a fait choisir une ferme comme Chausseray. Suivre l’évolution de la nature environnante au fil des mois et des saisons est une perpétuelle source d’émerveillement et d’enrichissement. Depuis que nos enfants approfondissent leurs connaissances naturalistes en les partageant avec nous, nous sommes encore plus attachés à tout ce qui nous entoure. Haies, mares, prairies et bosquets offrent une telle biodiversité, une telle richesse que nous redoublons nos efforts pour ne pas perturber ce bel équilibre par nos pratiques culturales. Maintenir ce paysage bocager est pour nous plus que jamais une priorité.

 

Question n°2 : Les paysans de la Gâtine ont pour l’instant maintenu un maillage important de haies, de mares et de bosquets car il était évidant que ces éléments étaient bénéfiques aux animaux qui broutent dans les prairies. Cela les protégeait par exemple du soleil et du vent même si l’entretien des haies demande un matériel coûteux en temps et en achat. Mais, l’élevage devient très ingrat. Les contraintes du travail, des prophylaxies, des mises aux normes sont de plus en plus pesantes tandis que le revenu est de plus en plus aléatoire. La tentation de faire des céréales est de plus en plus importante rendant la présence des éléments bocagers gênant. La surface des exploitations augmente et bien souvent les haies sont sacrifiées sur l’hôtel de la rentabilité, de l’efficacité et de la productivité. Pourtant dans la plaine de Pamproux toute proche, un programme très coûteux de replantation de haie est en train de se mettre en place ce qui n’empêche pas la Gâtine voisine de continuer à arracher ses haies. Comme la mort des derniers soldats juste avant l’armistice est encore politique ; la destruction des éléments du bocage de Gâtine est dramatique car nous en connaissons les avantages et nous pourrions espérer leur maintien. Qui peut dire quand les hommes retrouveront la raison ? Pour l’instant, ils sont emballés dans un système qui les broie subissant le même sort que les haies.

 

Question n°3 : Pour maintenir la biodiversité des paysages, il faut maintenir les petites et moyennes exploitations et surtout les élevages qui pratiquent le pâturage. Les aides financières sur les surfaces céréalières sont importantes, elles devraient être mieux redistribuées sur les surfaces en herbes. Certaines mesures ont été prises en ce sens, mais, seront-elles appliquées ? Les cours des ventes sur les produits animaux est en baisse dans presque toutes catégories ce qui n’incite pas à l’optimisme. Favoriser l’extensification n’est pas encore d’actualité. Le plus efficace serait de faire émerger des produits de qualité avec une bonne plus value. Associer toute une biodiversité à un produit en valorisant les pratiques agricoles respectueuses du milieu. Mettre en valeur les espèces « emblématiques » protégées par des pratiques culturales adaptées et s’en servir pour la promotion des produits agricoles en les liants au terroir. Le paysan a tout à gagner car il retrouverait une reconnaissance de son travail. Mais ce n’est peut être qu’un mirage, n’est il pas déjà trop tard ?

 

 

Nom : Blais

Age : 

Type d'exploitation : 

Localité : Vernoux en Gâtine (79)